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MGActus # Le Conseil de prud’hommes de Saint Nazaire valide le « barème Macron »

Une des mesures emblématiques des ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017 est la mise en œuvre d’un barème des indemnités versées au salarié en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (article L. 1235-3 du Code du travail).

Ce barème prévoit un plancher et un plafond d’indemnisation : plus l’ancienneté du salarié est importante, plus le montant du plafond est important. Ainsi, par exemple, un salarié ayant 5 ans d’ancienneté peut obtenir une indemnisation entre 3 et 6 mois de salaire.

Ce « barème Macron » avait suscité une fronde des organisations syndicales en 2017.

Malgré la validation du « barème Macron » par le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel, de nombreux Conseils de prud’hommes ont donné raison à des salariés qui invoquaient la violation de conventions internationales.

Dans une décision du 21 mars 2018, le Conseil Constitutionnel a jugé que le barème est conforme à la Constitution, en considérant que :

• Le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général en renforçant la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail ;
• Même si le barème prévoit des indemnisations maximales, elles ne s’appliquent pas quand le licenciement est nul.

Toutefois, le Conseil Constitutionnel, s’il a validé la constitutionnalité du barème, n’est pas compétent pour se prononcer sur la conformité des lois aux conventions internationales.

Le Conseil d’Etat a quant à lui jugé le 7 décembre 2017 que le barème est conforme à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation Internationale du travail et à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne. Ces conventions exigent en effet une indemnisation adéquate et une réparation appropriée du préjudice subi au bénéfice du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse.

Dans un premier temps, les Conseils de prud’hommes se sont conformés à l’interprétation du Conseil d’Etat (Conseil de prud’hommes du Mans, le 26 septembre 2018 ; Conseil de prud’hommes de Caen le 18 décembre 2018).

Mais, depuis, de nombreux Conseils de prud’hommes ont écarté l’application du « barème Macron » au motif de la violation des conventions internationales précitées (Troyes le 13 décembre 2018, Amiens le 19 décembre 2018, Lyon le 21 décembre 2018, Lyon, le 21 décembre 2018, Grenoble le 18 janvier 2019, Agen le 5 février 2019, Bordeaux, le 9 avril 2019, Martigues le 26 avril 2019, Paris, le 22 janvier 2018, Montpellier le 17 mai 2019).

C’est dans ce cadre que le Conseil de prud’hommes de Saint Nazaire s’est prononcé sur cette question dans un jugement rendu le 24 juin 2019.

Le Conseil, dans un jugement très motivé, a considéré que le « barème Macron » n’est pas contraire aux dispositions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT de de l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Il a en cela repris les arguments que je développe lors de mes plaidoiries.

Il estime tout d’abord que « l’indemnité prévue au barème a vocation à réparer le préjudice résultant de la seule perte injustifiée de l’emploi et que, si l’évaluation des dommages et intérêts est encadrée entre un minimum et un maximum, il appartient toujours aux juges, dans les bornes du barème ainsi fixé, de prendre en compte tous les éléments déterminant le préjudice subi par le salarié licencié lorsqu’il se prononce sur le montant de l’indemnité (notamment l’âge et les difficultés à retrouver un emploi, après des années passées au sein de la même société ».

Il relève ensuite que « le barème n’est pas applicable aux situations ou le licenciement intervient dans un contexte de manquement particulièrement grave de l’employeur à ses obligations, comme c’est le cas lorsque le licenciement est entaché de nullité résultant notamment de la violation d’une liberté fondamentale, de faits de harcèlement moral ou sexuel, d’une atteinte à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé ».

Enfin, il ajoute que « les autres préjudices, en lien avec le licenciement, et notamment les circonstances dans lesquelles il a été prononcé, sont susceptibles d’une réparation distincte sur le fondement du droit de la responsabilité civile, dès lors que le salarié est en mesure de démontrer l’existence d’un préjudice distinct ».

Le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Saint Nazaire met ainsi un coup d’arrêt à la multiplication des décisions invalidant le « barème Macron ».

L’avenir du barème n’est pourtant pas scellé.

Il convient désormais d’attendre les premières décisions de Cours d’appel, qui devraient être rendues après l’été, et surtout de la Cour de cassation qui pourrait se prononcer prochainement.

La saga judiciaire du « barème Macron » n’est pas terminée.

Maître Ronan MABILEAU

Avocat Associé